Un cimetière international pour les migrants, afin de leur apporter de la dignité, ne serait-ce que dans la mort
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Le village de Tarsia, en Calabre, en Italie, s’est donné pour objectif d’être la dernière demeure de ces hommes, femmes et enfants morts noyés au large de l’Italie en essayant de rejoindre l’Europe.
Ce projet de cimetière international de migrants est porté par Roberto Amerusa, le maire de Tersia et Franco Corbelli, président de l’ONG Mouvement pour les droits civils.
Le maire du village a déclaré à Al-Jazira : « Dédier une partie de notre territoire à l’enterrement de ces victimes est simplement un acte d’humanité ».
Ce projet – soutenu par les habitants après une période de réticence – n’est pas encore abouti faute de moyens techniques et financiers.
Des migrants enterrés anonymement depuis le drame de Lampedusa en 2013
La mobilisation de Franco Corbelli date du naufrage au large de Lampedusa en 2013, au cours duquel 366 personnes ont perdu la vie. Puis, les choses se sont accélérées avec le naufrage de plusieurs embarcations au large des côtes siciliennes en 2015, provoquant la disparition de 700 à 800 personnes.
L’article d’Al-Jazira a été mis en ligne le 28 mai, soit avant que l’on ait connaissance de la disparition au sud de l’Italie des 700 personnes parties depuis la Lybie.
« Voir tous ces cercueils et tous ces gens sans nom, parce qu’ils ont été enterrés et continuent d’être enterrés avec un numéro, est inhumain. Nous devons leur donner de la dignité, au moins dans la mort » cite Al-Jazira.
Ces personnes ayant perdu la vie au large de l’Italie sont enterrées dans plusieurs cimetières du sud du pays, dans le cas où les corps ont pu être récupérés par les gardes-côtes. Un échantillon d’ADN est alors prélevé pour ceux qu’on ne peut identifier et un numéro est attribué. Des familles entières meurent dans certains cas et personne ne pourra alors reconnaître les corps.
Un futur cimetière et lieu de mémoire pour les migrants ayant péri au cours de leur voyage
Le futur cimetière de Tarsia qui contiendra aussi un mémorial pour tous les morts propose la centralisation, autant qu’il est possible, de la douleur. Ainsi, Franco Corbelli a déclaré :
« Ces gens avaient des proches. Ils avaient une mère, un frère, une sœur. S’ils viennent un jour, et veulent déposer une fleur ou faire une prière, où iront-ils ? »
Cette éventuelle destination n’est pas encore Tarsia. En effet, le projet de cimetière grand d’un hectare coûterait 4,3 millions d’euros et a besoin d’un cofinancement de la région de Calabre et du ministère de l’intérieur italien qui n’est pas encore validé.
Les deux porteurs du projet ont un atout symbolique puisque le cimetière international des migrants serait situé seulement à quelques mètres du camp d’internement de Ferramonti. Camp où Benito Mussolini avait fait enfermer près de 3.000 personnes, pour la plupart juives, en vue d’un éventuel transfert en Allemagne nazie. Ce camp avait été libéré par les Britanniques en 1943, après la chute du fascisme.
« Parmi les personnes libérées, il y avait des survivants d’un naufrage. Près de 500 juifs avaient été secourus par un navire militaire italien en 1940 après que leur bateau eut chaviré en mer Egée. Ils avaient tenté de s’échapper de Bratislava via le Danube » a expliqué Franco Corbelli. Roberto Amerusa a ajouté que « l’histoire de ces personnes qui ont été sauvées, qui plus est en mer Egée, où il y a aujourd’hui cette vague d’immigration… rend cette histoire encore plus actuelle ».
Déjà plus de 1.300 morts en Méditerranée en 2016
Selon les chiffres de l’ONU, 8.362 hommes, femmes et enfants sont morts en essayant de gagner l’Europe par la mer en 2014.
Pour 2016, ce nombre s’élève déjà à 1.370.
Depuis la fermeture de la route des Balkans et la signature de l’accord controversé sur le renvoi de nouveaux arrivants en Grèce vers la Turquie, l’Italie est redevenue la principale porte d’entrée méditerranéenne. Toujours selon l’ONU, elle a vu arriver 40.000 réfugiés et migrants entre janvier et fin mai.